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Livre d'or
Chapitre III

 

 

Chapitre III

Le Christianisme en Savoie à Genève, à Valleiry du XIIe siècle au Protestantisme.

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Il ne faut pas s’imaginer que, en ces temps lointains, le prêtre n’avait d’autres obligations que celles des Offices religieux et du soin spirituel des malades. On doit dire, au contraire, que plus il y avait de déficience générale sous le rapport matériel et intellectuel, plus son zèle s’imposait dans ce sens.

Une première erreur sur cette époque serait de croire que la charité y était dédaignée, négligée, que l’on n’avait aucun souci des pauvres, des malheureux, des déshérités de ce monde.

Entrons, sur ce sujet, dans quelques détails de notre histoire locale. Genève, sous le règne de ses princes-évêques, possédait sept hôpitaux qui avaient, chacun, un but particulier.

Le premier, nommé Le grand hôpital, recueillait tous les malades auxquels il était impossible de recevoir, à domicile, les soins médicaux. Ils pouvaient s’y faire soigner jusqu’à pleine convalescence et, à leur sortie, ils étaient habillés et pourvus de ce qu’il fallait pour subvenir aux plus pressants besoins. Etaient-ils invalides ? Ils restaient sur place ; l’hospice devenait leur “ chez eux ”.

Le second hôpital était ouvert aux pauvres petits orphelins. Il recevait ces êtres malheureux, les adoptait et leur donnait gratuitement l’instruction et l’entretien jusqu’à ce qu’ils pussent gagner leur vie dans l’exercice d’un métier en rapport avec leurs forces. Le Pape Martin V voulut payer, par cette utile création, l’hospitalite qu’il avait reçue, à Genève, à son retour du Concile de Constance (1418). Non content de prendre des fonds considérables sur sa caisse privée, il fit appel aux Cardinaux et aux gens de sa suite qui s’empressèrent de seconder les bienveillantes intentions de leur maître.

Les vieillards de l’un et de l’autre sexe à qui l’âge et les infirmités commandaient le repos avaient aussi leur asile. Ils le devaient à la munificence de la Duchesse Yolande de Savoie.

Un quatrième hospice avait été créé par une autre Duchesse de Savoie, Anne de Chypre. Avait-elle rencontré, un jour, sur sa route, quelque pieux pèlerin qui lui avait demandé l’aumône au nom de Jésus-Christ ? D’anciennes chroniques semblent le faire croire. Toujours est-il qu’elle voulut qu’il y eut à Genève une maison dite “ des Pèlerins ”, où les voyageurs pauvres pussent prendre trois repas et y demeurer, s’ils étaient malades, jusqu’à leur guérison. Puis, pour continuer leur trajet, ces voyageurs indigents recevaient un pain et une gourde de vin. En retour de ces bons soins, on les invitait à réciter, pendant trois jours, un Ave Maria pour les bienfaiteurs de la maison hospitalière qui les avait abrités.

A droite de l’ancien cimetière de Plainpalais, existait autrefois un cinquième hospice destiné aux pestiférés. L’évêque Pierre II de Faucigny avait déjà ouvert, pendant la peste de 1800, une maison pour recevoir les femmes atteintes de ce fléau. Mais l’hôpital nommé Morveux fut fondé, en 1482, sous l’évêque Louis de Savoie. Bonivard, le plus impartial peut-être des premiers apôtres de la Réforme, dit que cet hôpital était “ assez bien renté ”. C’est à la chapelle de cet établissement que François de Mies, plus connu sous le nom de cardinal de Saint-Marcel, laissa la moitié de sa fortune.

Le sixième hôpital était celui des aliénés. Il fut fondé par Amédée IX de Savoie. Le septième était réservé aux pauvres enfants abandonnés par leurs parents. Hélas ! il y en avait alors comme de nos jours. Cette dernière fondation était de l’évêque Jean-Louis de Savoie.

Par ce court exposé, chacun peut se rendre compte que n’étaient pas délaissés les malheureux de Genève et de ses dépendances.

Or Valleiry était tout particulièrement relié à sa capitale. Au lieu de relever d’une abbaye ou d’un château seigneurial – comme c’était le cas le plus fréquent pour les agglomérations rurales – notre paroisse dépendait du Chapitre Saint-Pierre de Genève.

Tout le monde sait que Saint-Pierre dont l’édifice domine la cité et semble la protéger toujours fut la Cathédrale des évêques de Genève. Or, régulièrement, à toute cathédrale est attaché un groupe, soit un chœur de Chanoines titulaires qui ont le devoir d’y célébrer, tous les jours, l’Office divin, à la manière des Religieux dans leurs monastères. Le Chapitre de Saint-Pierre comptait 32 chanoines soumis à la Règle de Saint-Augustin. Tous devaient avoir obtenu des grades dans quelque Université ou pouvoir montrer leurs titres de noblesse.

Ce corps ecclésiastique possédait des terres pour le faire vivre. Il y avait des paroisses dans le diocèse qui étaient tenues de lui fournir annuellement certaines redevances. Valleiry était l’une de ces paroisses dépendant du Chapitre de Saint-Pierre.

Le prieuré de Saint-Victor, bâti à neuf vers le milieu du XIIIe siècle, par saint Odilon, Abbé de Cluny, posséda aussi quelques champs à Valleiry, pour lesquels une contribution était imposée aux usufruitiers.

Le plus ancien document des Archives de Genève – qui concerne Valleiry – dont le texte nous a été très aimablement communiqué par M. Falcy, en retraite, rua Henri-Mussard, 26, à Genève, mentionne précisément une difficulté, au sujet de notre paroisse, qui avait surgi entre le Chapitre de Saint-Pierre et le Prieuré de Saint-Victor – l’ancien, d’avant saint Odilon. Il est dit en latin : “ Guy (de Faucigny), évêque de Genève, avec la collaboration de Bozon, évêque d’Aoste et prévôt de l’Eglise de Genève, et de Ponce, évêque de Belley, se présente devant Hugues, abbé de Cluny. Il met fin à toutes les réclamations contre Saint-Victor par le Chapitre de Genève, au sujet des redevances en pain et en vin. Puis il confirme au même Couvent les bénéfices que celui-ci détient de l’Eglise de Genève et qui ont été concédés par les évêques qui se sont succédé. ”

Après cette confirmation de ses droits, le Chapitre de Saint-Victor cède une terre fertile située à Valleiry. L’acte est écrit par Bernard, sacristain de Saint-Pierre, l’an 1099. – Archives de Genève P.H. nº 2, page 136.

Remarquons que les redevances de cette époque n’étaient, ordinairement, pas plus terribles et même beaucoup moins que celles dont, en notre xx siècle, les communes et les particuliers sont les débiteurs envers le Seigneur-Etat. Si quelques châtelains endettés ont parfois pressuré le pauvre peuple, c’est une exception dont l’Eglise n’a pas la responsabilité – d’autant moins que la sagesse des nations reconnaissait clairement l’indulgente bonté de celle-ci par ce proverbe : “ Il fait bon vivre sous la crosse ! ” Du reste, il est de constatation générale que la dîme – une gerbe de blé sur dix – n’était pas toujours la réalité. C’était quelquefois une sur quinze, seize, dix-sept... en proportion avec l’abondance ou la pénurie de la récolte. Cependant le mot : dîme a fait fortune, grâce à une littérature hostile aux us et coutumes du Moyen-Age. Il n’en est pas moins vrai que les cultivateurs de Savoie et d’ailleurs seraient fort heureux, en notre temps, de payer plutôt que leurs impôts, ces redevances dont la modicité n’avait d’égale que l’élasticité, au gré des bonnes et des mauvaises saisons.

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Ce Moyen-Age, c’est-à dire l’époque de l’histoire qui va de la chute de l’Empire romain (475) à la prise de Constantinople par Mahomet Il-(1453), des historiens, des pamphlétaires du XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècle l’ont âprement décrié, plus encore au point de vue de 1a science qu’au nom de la solidarité.

Ce fut pour l’Europe et pour la Gaule, spécialement, une période de lente évolution. L’esclavage avait vécu : il s’était mué en servage. Ce second état n’était pas l’idéal. Personne ne l’a jamais soutenu. Mais c’était une amélioration. D’autre part, l’Eglise a toujours incité, de toutes ses forces, à l’affranchissement des serfs. Elle-même était particulièrement bonne pour ceux qui se trouvaient sous sa dépendance.

Epoque d’ignorance – disait-on. C’était le grand grief à l’adresse du Moyen-Age. Des études poursuivies sans parti pris ont contribué à détruire cette légende.

Le Moyen-Age fut, tout d’abord, l’époque des superbes églises bâties, en premier lieu, sur le modèle des beaux édifices publics, des demeures princières et en conformité avec le climat du pays. Ce sont les monuments les plus anciens.

Puis, peu à peu, les voûtes s’élevèrent, l’ogive parut, pour ainsi dire, au fur et à mesure de la facilité extérieure de la dévotion ; les verrières dessinées par des artistes vêtus de bure se mirent à raconter, dans une lumière tamisée, les grands faits bibliques ou nationaux ; les Saints se firent voir au peuple dans leur robe de pierre. Ces cathédrales qui excitent l’admiration, surtout chez ceux qui ne les possèdent pas, sont du Moyen-Age.

Une époque qui a produit ces chefs-d’œuvre n’est pas une époque d’ignorance, pas plus que celle qui a fait tenir debout les pyramides. Parallèlement, les grands Docteurs enseignent et écrivent. L’on a jamais mieux raisonné qu’alors, tout en demeurant en bonne harmonie avec la Révélation divine.

Le vent n’était pas aux inventions scientifiques. C’est vrai ! Cependant la plupart de ces inventions – modernes ou contemporaines – furent amorcées par les savants du Moyen-Age. Si elles ne furent pas conduite jusqu’à leur terme, ce n’est pas par défaut d’intelligence ou de science, mais plutôt par pénurie de moyens appropriés. Sans compter le moine anglais, Roger Bacon (1214-1294), inventeur de la poudre, cent autres, parmi lesquels, notre Pape français, Sylvestre II ou Gerbert (999-1088) ont préludé par leurs recherches et leurs réalisations au progrès que nous voyons s’épanouir... quelquefois avec un certain regret...

Du reste, le cadre de cette étude ne nous permet pas d’y faire entrer des détails. Nous ne faisons qu’esquisser des observations générales que, de nos jours, tout esprit droit reconnaît être justes.

Malgré ces observations, sans doute il faut admettre que la science n’avait pas, au Moyen-Age, la variété et l’ampleur qu’elle a atteintes plus tard. A qui la faute ? La facilité des voyages et des communications faisait défaut ; l’aisance était rare ; la course aux honneurs, aux dignités qui s’est faite générale, n’existait pas. Est-ce bien ou un mal ? A chacun d’en décider, selon son point de vue !

Ce qui est certain, c’est que, sous le rapport intellectuel aussi bien que moral, l’Eglise n’a pas changé ! Elle a toujours favorisé l’étude et la science.

L’affaire même de Galilée ne contredit pas cette affirmation. Il s’agissait pour lui d’une mesure de prudence à observer. S’il avait laissé le texte de la Sainte Bible en paix, s’il s’était contenté d’expériences et d’observations d’ordre naturel, tous les théologiens, tous les hommes d’Eglise l’auraient laissé tranquille lui-même. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux l’approuvèrent et le soutinrent dans sa nouveauté. Mais Galilée n’avait pas qualité pour interpréter, de son chef, un texte des SS. Livres. Il devait, sur ce point, en référer à plus qualifié que lui.

L’Eglise se montra – elle l’est encore – jalouse de ce monopole de l’explication de 1a Sainte Bible et de son adaptation à des fins scientifiques. Elle ne permet pas qu’un écrivain quelconque prétende faire servir le révélé, le divin à corroborer les élucubrations de son intelligence. Celles-ci, elle ne les condamne certes pas a priori : elle les encourage toujours. Ce qu’elle ne tolère pas, c’est qu’on fasse intervenir Dieu en lieu et place de l’homme, que l’homme se serve de la parole de Dieu pour affirmer un sentiment qui peut prêter à discussion. L’Eglise laisse au temps et à une étude plus longue la faculté de porter son propre jugement.

Dans cette marge, sous cette réserve, combien d’intelligences l’Eglise n’a-t-elle pas discernées au Moyen-Age, favorisées et portées très haut ? C’est de l’histoire – depuis le petit orphelin qui ayant trouvé, un jour, une pièce de monnaie, s’empressa de la remettre à un prêtre comme honoraire d’une messe pour son père – cet orphelin devenu archevêque de Ravenne, Docteur de l’Eglise, saint Pierre Damien (988-1072) – jusqu’à, près d’Annecy, notre Jean Frachon, remarqué par des Religieux de passage dans son hameau, qui devint Evêque de Genève et Cardinal de Brogny.

Il en est des centaines que, malgré l’obscurité de leur naissance, l’Eglise a poussés aux études les plus hautes et aux honneurs les plus éminents, parce qu’elle les en jugeait dignes. Non : jamais l’Eglise n’a brandi l’éteignoir – selon l’expression à la mode, dans un certain monde, il y a cent ans.

Et ces Universités du Moyen-Age, fréquentées par des foules d’étudiants – plus de 15.000 à Paris – malgré la difficulté des relations et la modicité des revenus ! C’est là qu’enseignèrent des célébrités, telles que Albert-le-Grand, Pierre Lombard, saint Thomas d’Aquin et d’autres dont les leçons, les livres sont encore, de nos jours, une mine d’idées pour les philosophes.

C’est possible, dira-t-on, mais ce qu’on appelait autrefois les petites écoles – ce que nous appelons maintenant écoles primaires supérieures – existaient-elles au Moyen-Age ? Il faut reconnaître qu’ordinairement l’Etat s’en préoccupait assez peu. L’Eglise n’a que plus de mérite d’y avoir pourvu dans la mesure de ses ressources.

D’ailleurs, il faut être juste même envers ceux que l’on n’aime pas. Dans les temps de guerre, c’est entendu que l’instruction est plus ou moins négligée. Mais lorsque chacun peut se reposer tranquille à l’ombre de son figuier ou de son pommier, le besoin de l’instruction et la vocation de l’enseignement se font sentir. C’est ainsi que Charlemagne avait donné une impulsion sérieuse à l’étude, dans son palais et en dehors même. Malheureusement, après lui, cette discipline intellectuelle disparut sous les pas des Normands, des Sarrasins, des Hongrois qui envahirent la Gaule.

Le peuple, en général, surtout au Xè et au XIè siècles, était dans l’ignorance. Il n’y a pas de doute là-dessus. C’était dans la logique des événements et la faute de personne.

Mais, partout sur le territoire, les Moines gardaient le feu sacré, par leur exemple non moins que par les efforts, contribuèrent à le raviver. Autour des abbayes et des monastères, s’épanouissait le travail intellectuel aussi bien que le travail manuel. Un mouvement pareil se dessinait autour des cathédrales et des grandes églises.

Au XIIè siècle, cette efflorescence se développa d’une façon superbe. Les grands monastères – comme celui de Saint-Jean-d’Aulph – avaient deux sortes d’écoles, dit l’historien Gonthier, T. Il, p. 425, l’une, pour le personnel religieux, l’autre, pour les fils de bonnes familles qui étaient logés, dans le bourg voisin, aux frais du monastère, et qui recevaient l’enseignement dans des salles séparées de la clôture.

C’était l’époque où le IIè Concile de Latran, tenu à Rome, sous le Pape Alexandre III, en 1179, décrétait : Comme l’Eglise de Dieu, en sa qualité de tendre mère, est tenue de venir au secours des indigents pour leurs besoins spirituels et temporels, le Concile ordonne que, dans chaque église-cathédrale, on assigne un bénéfice à un maître, qui enseignera gratuitement les clercs de l’église et les écoliers pauvres, afin que ceux qui sont dépourvus des dons de la fortune ne soient pas privés de la facilité d’apprendre et que la voie de la science soit ouverte à tous ”.

Ces décisions ne restèrent pas lettre morte. Il existait, dès lors, des écoles célèbres. Un auteur anglais de ce temps dit qu’à Paris il y avait cent beaux collèges, tous bâtis d’un marbre de grand prix. Mettons qu’il y a de l’exagération dans ce compte, mais acceptons le fait de la facilité de l’instruction, dès le XIIIe siècle. Du reste, si Paris était alors le foyer intellectuel du monde, les autres régions n’étaient guère moins bien partagées. A cette même époque, les Franciscains (1208) et les Frères-Prêcheurs (1215) possèdent des hommes éminents qui enseignent.

En cette année 1215, au IVè Concile de Latran, sous le Pape Innocent IIl, les évêques reviennent sur le sujet de l’instruction populaire et statuent qu’à l’avenir il y aura, non seulement dans les cathédrales, mais dans chaque église, un maître capable d’enseigner gratuitement, afin, disent-ils, “ que les enfants pauvres, aussi bien que les riches, puissent s’instruire dans la grammaire et les autres sciences ”.

L’évêque de Genève, Arducius, se conforma à ce Décret. Nous voyons une école ouverte dans sa ville épiscopale, l’an 1227. Il y en avait d’autres en Savoie. A la Bibliothèque Nationale de Paris, se trouve un traité d’hygiène, en vers français, composé l’an 1286, par “ mestre Thomas ”, de Thonon, apparenté avec Rd Humbert, également de Thonon, Chanoine de Saint-Pierre de Genève. Hurtier, ministre protestant, affirme qu’en France, aux XIIè et XIIIè siècles, il n’y avait pas une ville ni même un bourg qui ne possédât une école où, dit-il, “ les personnes, même de basse extraction, pouvaient se faire instruire ”. A cette date ou à peu près, tous les paysans de Normandie savaient lire, écrire et compter. De même, dans le Midi, dans la Provence surtout. Chambéry avait ses écoles en 1315. En Maurienne, l’évêque Aimon II de Miolans, dans un accord passé en 1325, avec ses diocésains de la vallée d’Arves et des environs, s’engage à choisir, pour chaque paroisse, un maître capable d’instruire les enfants.

Le XIVè siècle est en véritable progrès sous ce rapport. Les villes ou bourgades libres du diocèse de Genève avaient leurs écoles – supérieure et primaire – Evian, dès 1341 – Annecy, au faubourg de la Perrière, en 1360 à Sallanches, en 1371 – à Thonon et à Chaumont, en 1377 – à Alby, en 1385 – à La Roche, en 1410. On y enseignait non seulement la lecture, l’écriture, la grammaire et l’arithmétique, mais encore les belles-lettres et le latin.

Ce qui étonne, c’est le nombre des notaires, à cette époque dite, jadis, d’ignorance. En 1477, il y en a plus cinquante à Genève. Ils avaient une écriture très soignée. Quant aux actes que certains nobles n’auraient pas signé sous prétexte que leur qualité les dispensait d’apprendre à écrire, ils n’ont jamais existé, disait M. Louandre dans la Revue des Deux-Mondes (janvier 1888), et l’on peut mettre le ban et l’arrière-ban des paléographes au défi de produire une seule charte où cette formule soit énoncée. Non seulement les magistrats, mais encore les simples marchands et industriels genevois, au XVè siècle, correspondaient en français ou en latin. Bon nombre d’entre eux y ajoutaient la connaissance de l’allemand et de l’italien, quelquefois même de l’espagnol.

En ce XVè siècle, on découvre, dans le diocèse, de nouvelles écoles : celles d’Hermance, de Cluses, d’Ugine, de Rumilly, etc. Le goût de la lecture devenait général. C’est pour satisfaire ce goût que furent écrits d’innombrables romans de chevalerie.

Soyons de bonne composition. Jugeons des faits à la mesure des temps et des lieux qui les ont vus se produire. Les moyens de s’instruire étaient alors très rudimentaires. N’exigeons pas de la part des ruraux des certificats d’études primaires. Reconnaissons toutefois les efforts accomplis par l’Eglise dans la proportion des possibilités de l’époque. Du reste, l’enseignement secondaire était presque aussi développé que de nos jours.

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En 1486, un habitant de Mayence, Gutenberg, trouvait le secret de reproduire l’écriture avec des caractères fondus. L’Eglise, représentée par des esprits superficiels, comme ennemie de la science et du progrès, applaudit à cette découverte. Les moines et les prêtres qui avaient contribué à la diffusion de la vérité par la transcription des manuscrits, se retrouvèrent à pied-d’oeuvre pour rendre à la société le même service, dit l’historien déjà cité, M. Gonthier.

On vit un grand nombre d’ecclésiastiques se faire imprimeurs et des évêques se faire correcteurs d’épreuves. C’est à un prêtre de Strasbourg que Naples dut son premier livre (1471). Ce sont des prêtres qui introduisirent le nouvel art en Lorraine. C’est à un prêtre savoyard, Guillaume Fichet, que Paris dut sa première imprimerie.

Né le 24 septembre 1483, d’une famille honorable du Petit-Bornand, Guillaume Fichet, après quelques années d’études aux écoles de La Roche, se rendit à Avignon, puis à Paris, où il devint Docteur en Sorbonne et enfin Recteur de l’Université (1467). De concert avec un prêtre bavarois, Jean Heylen, il appela de Bâle trois ouvriers qui devinrent les trois premiers typographes parisiens. Nous trouvons un imprimeur à Genève en 1478 ; un autre, à Chambéry, en 1484. Cette découverte allait donner, un essor merveilleux à l’instruction et aussi à la discussion... Les documents se feront plus nombreux. Pour l’instant, c’est-à-dire de cette époque – XVè siècle et début du XVIé – nous en avons trois à signaler concernant la paroisse de Valleiry.

Ce sont des procès-verbaux de visites pastoralles traduits du latin en français et très aimablement communiqués par M. Falcy.

La première visite est du 12 juin 1411. Elle est de l’évêque Jean de Bertrand, nommé par Benoît XIII, le 14 octobre 1408 et transféré à l’archevêché de Tarentaise par le Pape Martin V, le 23 septembre 1419. Il fit la visite de son diocèse de Genève, notamment de la région du Vuache et de la Semine, en 1411. Il visita encore le Genevois tout entier, en 1414. Au sujet de Valleiry, il est dit : “ Le curé, Jean Simon, titulaire, est un prêtre de bonne réputation et un brave homme. Pendant la visite, il a été discuté pour des aménagements à effectuer à l’église. ” Ce n’est pas rien d’être appelé brave homme par son évêque ! Pierre Fabri succéda en 1443 à Jean Simon. Nous ne savons rien à son sujet.

La deuxième visite est du 10 octobre 1481. Elle eut lieu sous l’épiscopat de Jean-Louis de Savoie (1458-1482), mais fut faite par son Vicaire général, évêque d’Hébron, le célèbre Mamert Fichet, frère de Guillaume. Ce prélat déploya une intrépidité extraordinaire dans cet ordre des fonctions épiscopales, consignant, à son passage, l’état dans lequel se trouvaient les églises, les chapelles, les objets du culte, les reliques, les vases sacrés, les ornements. Volontiers aussi il donnait une note aux curés inspectés.

Au sujet de Valleiry, il est mentionné : “ L’église de Valleiry est sous le vocable de Saint- Etienne. Il y a 24 feux qui sont imposés pour 40 florins. Le curé, Henri de Sion, ou de Scientii, ne réside pas dans le village. On prescrit à ce prêtre de se faire remplacer régulièrement, en cas d’absence ”. Sont indiquées quelques réparations à effectuer. “ La chapelle de la Vierge est annexée à la cure : elle fut fondée par Jean Garon. ” Qui était-il ? Ce n’est pas dit. Son nom a disparu du pays. Le curé, non résidant, est rappelé à l’ordre. La paroisse est toute petite : 24 feux ! En multipliant par 5 ou 6, comme il est admis pour ce temps-là, on trouve de 140 à 160 habitants, au plus 170, qui ont à verser ensemble 40 florins. Redevance minime qui ne charge ni la bonne volonté des uns ni la mémoire des autres !

En 1494, nous trouvons comme curé de Valleiry Théobald de Sacconay. Celui-ci dut passer de Chênex à notre paroisse : car il y a, en 1476, un curé du même nom à Chênex. En 1499, c’est J. Paget qui préside aux offices à Valleiry ; en 1509, c’est J. Bergier ; en 1518, c’est Claude de Nemore ou Denermore. Du reste, nous n’avons découvert de renseignement particulier sur aucun de ces prêtres.

Il est dit dans la seconde visite de Mgr d’Hébron, que le Prieur de Thonon avait le patronage de Valleiry. Ce privilège est inexplicable, à moins qu’il ne fut personnel à ce personnage.

Car, en 1518 – sans autre précision – une autre visite pastorale qui eut lieu sous l’épiscopat d’un second Jean-Louis de Savoie (1513-1522) contient le texte suivant: “ Présentation du vénérable Chapitre de Genève. – Titulaire : Claude Denermore, lequel fait desservir par Pierre de Viry, vicaire. – 18 feux, 40 florins d’impôt ”.

Ce texte n’a pas besoin d’explication. Car il était régulier que le Chapitre de Saint-Pierre eût ce droit de présentation ou de patronage pour la cure de Valleiry.

L’évêque ou son représentant exige la résidence ou du titulaire ou d’un vicaire. Il en a toujours été ainsi dans la discipline de l’Eglise, et même, plus tard, la non-résidence du titulaire pouvait amener la déchéance de la paroisse. Les curés ont toujours été nommés pour leurs paroissiens et non les paroissiens pour les curés ! En 1518, le chiffre de la population s’était encore minimisé. L’imposition est demeurée telle quelle – sans doute parce qu’elle n’était pas trop lourde.

Autres détails signalés dans ces visites. On cite dans chacune d’entre elles d’autres prestations – celles-ci en nature – bois, éclairage, fourniture de fleurs pour la décoration de l’église. L’on n’y paraît pas fixé sur l’orthographe de Valleiry. Tantôt cette localité s’écrit Valeyri, tantôt Valleyry.

Il n’y est pas parlé de La Joux. Mais ce village était peut-être indépendant de Valleiry. Un lambeau d’une très ancienne carte semble lui attribuer plus d’importance alors, qu’à la commune à laquelle il appartient actuellement.

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Puisque le nom de commune est prononcé, nous pouvons nous demander si, pendant toute la période qui va de la domination romaine au XVIè siècle, Valleiry existait en tant que commune. Nous ne le croyons pas.

Sans doute, depuis les Croisades à l’issue desquelles un grand mouvement de libération des serfs s’était produit, beaucoup de communes surgiront, surtout dans le Nord de la France.

D’autre part, au XIIIè, XIVè et XVè siècles, le peuple, instruit par les Moines, secoue résolument le joug de la féodalité. Les habitants de nos plus petites bourgades demandent et obtiennent la concession, ou la confirmation de libertés et de privilèges que nous pourrions envier de nos jours.- Le prince, le seigneur, l’abbé du monastère conservaient le droit de regard.

N’en est-il pas de même de nos jours ? Qu’est-ce qu’une Commune peut faire sans l’approbation du Conseil d’arrondissement, du Conseil général, de la Sous-Préfecture et de la Préfecture : tout autant d’échelons qu’il faut savoir gravir avec habileté ou délicatesse pour parvenir à ses fins ? Les expressions ont changé : les faits sont toujours là !

Quoi qu’il en soit, sur Valleiry nous ne voyons pas poindre de Commune véritablement formée avant l’édit de Charles-Emmanuel III, du 19 décembre 1771. Nous en reparlerons. Jusqu’à ce moment-là, il y avait une étroite union entre paroisse et commune de Valleiry. L’administration de celle-ci ne présentait, du reste, pas de complications, vu le petit nombre des habitants.

 

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