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Livre d'or
Chapitre VI

 

Chapitre VI

 

De la Révolution française à nos jours.

 

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Révérend Pierre Blanc avait rendu son âme à Dieu, le l'" septembre 1781. Le lendemain, il fut inhumé “sous le chapiteau de l’église ”, écrit Révérend Baudet, alors Curé d’Humilly,

Prêtre plein de mérites, il eut surtout celui d’être resté jusqu’au bout dans cette petite paroisse de Valleiry, où il y avait tant à faire et à refaire.

Il avait laissé une petite fondation de Messes basses – 212 francs de capital – par son testament du 13 décembre 1769 – Chênez, notaire.

Le 11 octobre de cette même année 1781, il eut pour successeur Révérend Pierre Duvillard, né à Arthaz, le 4 août 1742.

Nous ne savons rien de son enfance ni de sa jeunesse. Il est à croire qu’il fut un prêtre sérieux. Car l’autorité ecclésiastique lui avait confié une paroisse difficile. Mais il était faible de caractère et un peu vaniteux : c’est incontestable.

 L’histoire ne dit pas, d’ailleurs, qu’il fut particulièrement influencé par les principaux personnages de Valleiry. En tout cas, il suivit le mouvement des idées et des faits.

Or le prêtre ne droit pas se laisser envelopper par les sentiments et les jugements de ses paroissiens qui sont moins bien renseignés que lui sur questions religieuses. Il doit, au contraire, se conformer aux directives données par ses supérieurs légitimes, surtout dans les temps troublés, et aller, dans cette voie, jusqu’au sacrifice de sa situation et même de sa vie, s’il le faut.

Que s’était-il donc passé qui provoque ces observations ?

– Le 24 septembre 1792, la Révolution française avait déferlé en Savoie, avec le général Montesquiou et ses troupes. L’élection pour l’annexion à la France avait eu lieu les 14, 15 et 16 octobre de la même année. Elle fut ratifiée à Chambéry, par l’Assemblée des Allobroges, du 21 au 29 octobre, et la réunion fut prononcée définitivement à Paris, par la Convention, le 27 novembre 1792.

La Savoie fut traitée en pays conquis. Ne parlons pas des bris de cloches, des abattements de clochers, des fusillades : c’est de l’histoire générale de notre pays.

Pour ce qui concernait les prêtres séculiers et réguliers, on leur avait tout d’abord demandé un premier serment à la Constitution civile formulé en ces termes : “ Je jure d’être fidèle à la nation, de maintenir la liberté et l’égalité ”.

Il faut toujours se méfier des engagements sollicités par les ennemis de l’Eglise. Cependant, le Pape Pie VI répondit à Mgr Paget, Evêque de Genève résidant à Annecy, que “ ceux qui avaient prêté ce serment n’étaient passibles d’aucune peine canonique ”.

Il n’en était pas de même du second serment exigé par un décret de la Convention, du 8 février 1792. Prêter ce serment, c’était jurer qu’il n’existe pas de hiérarchie dans l’Eglise, qu’on ne doit pas sa soumission au Pape, que c’est à la puissance séculière à régler les pouvoirs des ministres des autels et à statuer sur ce que les Evêques ont à faire. C’était du schisme, condamné comme tel, par un Bref de Pie VI, du 19 mars 1792.

Or, en 1793, les Commissaires de la Convention nationale en Savoie : Simond, Grégoire, Hérault de Séchelles et Ragot exigèrent ce serment de notre Clergé.

La très grande majorité repoussa courageusement cette singulière innovation. Je dis : innovation, pour expliquer que quelques-uns se méprirent peut-être sur la portée de ce serment. Mais la méprise et la bonne foi n’étaient plus possibles après la promulgation connue du Bref de Pie VI.

Une faible minorité succomba. De ce nombre fut le Curé de Valleiry, Pierre Duvillard. Il eut le malheur d’incliner sa tête sacerdotale. On dit même que, par une faiblesse grotesque, il fit chorus avec les citoyens les plus exaltés du pays et se réjouit avec eux autour de l’arbre de la Liberté.

Jusqu’au mois de mai 1793, inclusivement, il signe aux Registres de Catholicité : Duvillard, curé. Il baptise les enfants qu’on lui apporte des paroisses du voisinage : Dingy, Vulbens, Chevrier, dont les Curés fidèles s’étaient enfuis ou se cachaient soigneusement pour éviter la déportation et la guillotine.

Duvillard aurait dû se persuader que son ministère était trop abondant, à l’encontre de celui de ses confrères, pour être, de tous points, légitime. On vint à lui pendant quelque temps, non qu’on le prît pour un saint, mais afin de procurer aux nouveau-nés l’indispensable pour la vie Chrétienne qu’il était impossible ou très difficile de trouver ailleurs. Cette démarche était, sans doute, faite en tremblant pour sa triste personne.

Le curé assermenté Duvillard ne se gêne pas, dans les actes officiels, pour changer l’orthographe des noms qu’il inscrit. Ainsi il met indifféremment : Chautems et Chautemps. Au lieu de Christin, il écrit Chrétien ; au lieu, de Corajod, Courajod ou Courajoux ; Galley au lieu de Galey. Veyrat s’écrivait alors Vairas. Il met Majord pour Major ; Sautier ou Saultier. On devrait veiller à suivre l’orthographe qu’on a trouvée. Ne pas le faire n’est que de la négligence. Mais lorsque l’on se néglige par rapport à autrui, c’est quelquefois qu’on a commencé d’être large pour soi-même.

Dès le début de juin de cette année 1798, Duvillard signe aux Registres de Catholicité, non plus simplement “ Curé ”, mais “ Officier public et Curé ”, et dans un assez long préambule à ces Actes, il se dit Membre du Conseil général de la Commune de Valleiry, élu le 21 avril précédent, pour dresser les Actes “destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens ”.

Dans le fait, dès ce moment, il n’inscrit plus des Actes catholiques de Baptême, mais de constatations de naissances, décès et mariages moitié civils moitié religieux – puisqu’il demeurait prêtre pour l’éternité. Ce pauvre homme, ce double homme prenait au sérieux son rôle d’officier de l’état civil qu’il aurait dû abandonner à d’autres. Ceux-ci – Chautemps, Rousselot, Saultier – avaient une écriture qui valait la sienne.

Cependant il baptise encore, mais, cette fois, en secret. Car la Terreur lui aurait facilement fourni un certificat d’anti-civisme qui aurait pu le conduire à l’île de Ré ou sur les pontons de Carrier, à Nantes.

En marge d’un acte de naissance du 30 novembre 1793, Jean-Antoine Galley attesta, plus tard, que l’enfant dont il s’agissait dans cet acte “ avait été baptisé par M. Duvillard, curé ”.

Cette situation, très pénible pour sa conscience, dura jusqu’au “ quatorzième jour de Nivoz (sic), l’an second de la République française ”, soit jusqu’au début de 1794, jour auquel le malheureux préside à un mariage purement civil. Le 12 de ce même mois du calendrier républicain, il avait enregistré une naissance – le 13, un décès.

Ensuite, sous l’impulsion du remords et peut-être sous le coup des invectives de la part des meilleurs de; ses paroissiens, il disparaît : on ne le verra plus à Valleiry.

C’est alors le Maire, Claude Chautemps, qui prend la plume pour les actes officiels. Duvillard aurait dû la lui laisser, dès 1792. La rédaction de ces actes n’y aurait rien perdu ; la religion n’en aurait pas souffert. Car le mépris du prêtre fait du mal aux fidèles. Valleiry qui sortait à peine du Protestantisme aurait gagné de n’avoir pas eu à enregistrer l’exemple de lâcheté de son Curé, en face de la persécution et des persécuteurs.

Le pauvre Duvillard, parti de Valleiry sans tambour ni trompette, se retira à Carouge, où il avait un frère. Il s’y effaça le plus possible, s’y fit oublier et y gagna son pain en devenant maître d’école. Plus tard, un Vicaire général du diocèse lui fit une visite. Le dévoyé pleura avec son supérieur sur ses jours d’égarement et rétracta ses fautes. “  A tout péché, miséricorde ! ” Du reste, comme de nos jours, les guerres, la Révolution avait arrêté le recrutement du clergé. Révérend Duvillard, pénitent, reçut, le 1er mai 1806, une petite cure : celle de Vérel-Montbel (Savoie), où il mourut dans le repentir et le pardon, le 5 septembre 1818.

 

  • Vacance Forcée de la Cure de Valleiry.
  • Mentionnons ce qui fut accompli, sous le rapport religieux, pendant la vacance imposée par la Révolution à la cure de Valleiry. Un curé de la paroisse duquel nous reparlerons à sa place chronologique, a pris soin de noter les Baptêmes de 1783 à 1801.

    Voici en quels termes, d’une modeste simplicité, Révérend Humbert présente son Registre à la postérité : “Il y a, dit-il, dans ce cahier, du 27 janvier 1793 au 27 mai 1801, 75 actes de Baptême authentiqués de la plume de Rd Humbert ”. Cette nomenclature appuyée sur des attestations irrécusables, suppose un zèle admirable soit de la part de ce Curé, soit surtout de la part des Missionnaires qui exposèrent si souvent leur vie pour accomplir le devoir primordial du ministère ecclésiastique : le Baptême des enfants.

    Sur ces 75 Baptêmes, deux sont attestés, sans qu’un prêtre soit intervenu : ce qui n’est pas un obstacle à la validité. Fort heureusement, surtout pour les temps de persécution !

    Révérend Duvillard, dans les débuts de la Terreur, a 6 de ces Baptêmes à son actif – administrés secrètement.

    D’autres prêtres, traqués comme des bêtes fauves, en ont davantage.

    Révérend Baudet, Curé de Vulbens, bientôt déporté à l’île de Ré, mort Archiprêtre de Carouge, le 20 août 1803, tient le record du zèle, avec 34 Baptêmes.

    Révérend Déjon, Curé de Chaumont, qui, arrêté et incarcéré à Carouge, s’évada de sa prison, le 31 octobre 1799 et mourut Curé du Châtelard, le 31 octobre 1815, accomplit 18 fois ce ministère pour Valleiry.

    Révérend Cessens, Curé de Vers, adjoint au chef de la VII' Mission, mort Curé de Savigny en 1805, fit 5 de ces Baptêmes.

    Révérend Besson, intrépide missionnaire à Viry, puis Curé d’Avusy, en administra 7.

    Révérend Jean-François Vulliet, Curé de Dingy-en-Vuache, dès le 25 mai 1791 et mort Curé de Chessenaz, le 7 août 1818, en administra 6.

    Révérend Gerdil, prêtre missionnaire, en administra 3.

    Révérend Bonnaz – que nous ne savons pas identifier, était-il simplement de passage ? – en administra un.

    Egalement un, Révérend Lambercin, nommé curé de Minzier, le 4 juin 1788, chef de la VIIIe mission, mort Curé-Archiprêtre de La Biolle, le 24 juillet 1813.

     

    Les Premiers Successeurs de Révérend Duvillard.

     

    Après cette période de désarroi et de terreur, le révérend Jean-Marie Carron, né à Thonon, le 9 Mars 1761, tient les Registres de Catholicité de Valleiry depuis – il le mentionne lui-même - le 27 juin 1801 jusqu’au 15 septembre 1803, en qualité de missionnaire de Valleiry et de Chênex. Ce fait était le prélude de l’union des deux paroisses sous la direction du même Curé.

    L’ancien député Carron, d’Annecy, se disait être de la parenté de notre Révérend, ainsi qu’un vicaire de Paris qui fut très heureux, un jour, de me faire connaître cette ascendance collatérale et de voir l’écriture de son arrière-grand-oncle.

    Révérend Carron devait être un homme d’ordre et d’organisation pour avoir été désigné à cette charge de Missionnaire à Valleiry, après le passage de Révérend Duvillard. Il fit réinstaller dans l’église plusieurs objets de culte qui se trouvaient dispersés dans des familles sûres – entre autres le Christ que nous avons encore et la statue de la Sainte Vierge, à son autel. Tous deux ont une certaine valeur. Car l’un et l’autre sont sculptés sur bois.

    Révérend Carron ne demeura pas longtemps à Valleiry – du moins pour l’instant. Le 26 août 1803, il était nommé à la Cure d’Annecy-le-Vieux. Il se rapprochait ainsi de la Collégiale de Notre-Dame dont il était bénéficier.

     

    Son successeur à Valleiry – celui-ci comme Curé – fut Révérend Hyacinthe Carraud, né à Saint-Paul ou à Maxilly, le 31 mai 1753, qui avait émigré à Lausanne, pendant la Révolution. Il ne resta à Valleiry qu’un peu plus de trois ans et occupa ensuite quatre autres cures : Meillerie, Anthy, Saint-Didier et Bossey, avant d’aller mourir, le 16 octobre 1831, dans la capitale du Chablais, où il avait pris sa retraite.

    Ses Registres de Catholicité sont d’une écriture très soignée. Nous ignorons le motif de son départ de Valleiry. Peut-être était-ce l’attrait du lac de Genève qui s’exerce tout particulièrement sur les natifs de cette région.

    Révérend Charles Humbert, né à Cruseilles, le 29 avril 1761, également émigré à Lausanne et rentré en 1795, qui fit partie de la VIè Mission, succéda à Révérend Carraud, le 16 octobre 1806. C’était un homme de travail. Celui qu’il s’imposa pour recueillir les attestations des 75 Baptêmes conférés clandestinement par des prêtres insermentés est une preuve de ses grandes qualités et du sérieux de sa vie. Sous son ministère, en 1808, eut lieu la bénédiction du cimetière actuel qui fut agrandi plus tard.

    Il mourut à son poste, au bout de 7 ans : il n’en avait que 52. Par testament du 28 avril 1813 – F(rançoi)s Gay, notaire – il légua au bénéfice-cure de Valleiry l’écurie qu’il avait fait bâtir et une chènevière. Cette pièce fut ensuite échangée avec une parcelle de terrain que M. Marie Chautemps céda pour agrandir le jardin presbytéral. Je n’ai pas trouvé d’autres précisions sur Révérend Humbert.

     

    Après sa mort, voici que revient à Valleiry Révérend Carron qui, dès le 2 mai 1813, signe comme Recteur ou Curé. Claude Chautemps, Maire, lui remet, le 25 janvier 1816, les Registres de l’état civil des naissances mariages et décès, selon une Circulaire de M. l’Intendant général de la Savoie, en date du 16 janvier de la même année, observe Révérend Carron. Nous étions redevenus les sujets du roi de Sardaigne. Ce gouvernement maintiendra cet honneur et cette charge au clergé paroissial jusqu’à l’annexion de la Savoie à la France.

    Au cours de son second séjour à Valleiry, Rd Carron eut l’ennui profond de subir avec ses paroissiens la famine de l’hiver 1816-1817. La récolte avait été très déficitaire et le froid était venu de bonne heure. Du reste, Valleiry n’avait pas les ressources en culture qui se sont produites dès la fin du siècle dernier. On n’y vivait généralement pas dans l’aisance. L’épreuve fut d’autant plus dure que les transports étaient moins faciles. Et puis, comment acheter et payer surtout, lorsqu’il n’y a pas de réserves dans l’armoire ?

    Les Protestants de Genève se montrèrent bons envers ce coin de terre qu’ils avaient échangé, peut-être non sans regret, avec un territoire plus proche du leur. La tradition rapporte qu’ils venaient, par Chancy, charriant des jarres de soupe qui, bien que difficilement chaude à l’arrivée, n’en était pas moins accueillie avec reconnaissance. Il est à croire qu’il y avait quelquefois des hors-d’œuvre : boules de pain et tranches de bœuf... Quoique le prix de ces denrées fut notablement inférieur à celui, catastrophique, que nous nous offrons, de nos jours, la charité qui se manifestait ainsi n’en était pas moins admirable devant Dieu et devant les hommes.

     

    Révérend Carron mourut, le 28 avril 18l9 il était resté, cette fois, six ans à Valleiry.

     

    Le 15 mai 1819, il eut pour successeur Jean Gaspard Gay, né à Vulbens, le 5 avril 1792. Il n’avait que vingt-sept ans. Peut-être parce qu’il se trouvait trop près de son pays natal, le 16 septembre 1825, il préféra la Cure de Bossey, où il mourut le 8 octobre 1859. Ses Registres sont très bien tenus. A la fin de l’année, il mentionne l’expédition en double au greffe civil et épiscopal.

     

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